QUELQUES

MOTS SUR

EMILIE BAZUS

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Ce qui semble unir les différents travaux d’Emilie Bazus est autant basé sur la recherche à mettre en danger sa pratique picturale en tant qu’artiste, que de portraitiser une humanité anonyme.

Au cours des années d’études dans l’atelier de Jean-Michel Alberola à l’Ecole Nationale Supérieure des Beaux Arts de Paris, le travail de la peintre s’est principalement orienté vers le dessin, la photo et le cinéma. Mais parce qu’elle forme son regard et sa sensibilité à la lumière, la couleur et la matière lors de voyages entrepris à la même époque – en Inde, Népal et Afrique-, le ressenti d’un vécu inédit l’amène au final à une approche picturale.

Peinture figurative tout d’abord, en focalisant sur les hommes, femmes et enfants en vêtements traditionnels, toutes origines confondues, afin de montrer la richesse des différences qui existe entre les peuples, et mettre en lumière les choses qui les rassemblent, les coutumes qui se retrouvent d’un continent à l’autre, les façons de se tenir…

Son œil se resserre sur des détails, des gros plans de morceaux de corps avec étoffes, pour une composition quasiment abstraite, où l’on devine l’artiste se focaliser sur le rendu des matières, et la saturation des motifs ornementaux.

Ces fragments de personnages ont été mis en relation ensuite à des natures mortes, sous forme de diptyque ou de triptyque dans la série des Petits et grands bazars. Accumulations agrandies d’objets de consommation courante qui deviennent à leur tour des éléments ornementaux, des motifs, afin de dialoguer avec le travail d’Arman par exemple, où ce dernier colle directement des objets sur la toile.

S’en suit une recherche plastique en parallèle de l’huile, acrylique, gouache et monotype, pour expérimenter des grands dessins sur papier avec des techniques mixtes en noir et blanc. Série de paysages, uniquement avec de la végétation, pour toujours une image très immersive, une sorte de «all-over», mais avec différents plans afin de faire naître une profondeur nouvelle dans le travail de l’artiste.

Cette étude mise en relation avec son intérêt pour les rendus des matières, se dévoile différemment dans sa toute dernière série, pour s’éloigner des couleurs sourdes et matières mates chères à Emilie Bazus jusqu’à alors.

Anonyme réalisée autour de la problématique de l’accueil des migrants en France, est né à partir d’une révolte politique liée aux habitats précaires, visibles aux portes de Paris ou au bois de Vincennes, ainsi que dans les campements de Calais ou de Grande-Synthe.

Emilie cite les propos de Joy Sorman décrivant ces cabanes, leurs noirceurs, leurs misères, et où un soir d’hiver l’auteure découvre ces campements sous une autre lumière, celle des feux de bois qui les éclairent et qui dégage une humanité, « éclairé par les flammes, l’oeil y voit quelque chose de l’ingéniosité humaine qui empiète sur la détresse ».

C’est un peu ce sentiment qui prévaut des œuvres d’Emilie Bazus, lors de la vision de ces abris de fortune qui n’en finissent pas de prolonger le calvaire de ceux auxquels ont refuse de fait le respect dû aux humains. Par des pigments fluo que l’artiste utilisent pour préparer ses fonds, ces couleurs se sont imposées pour la guider à représenter ces lumières surgissant des cabanes mais aussi les lumières d’un ciel au soleil couchant, ou se reflétant dans les flaques d’eau.

« A travers la lumière emmenant de mes cabanes, c’est l’humanité que je cherche à traduire », ajoute-t-elle.

Dans cette jungle, Emilie constate que la seule constellation visible est celle de la myriade des braseros entretenus par les candidats à cet impossible eldorado dans cette survie à créer des lieux de vie, avec trois bouts de ficelles, couvertures et bâches, pour créer un lieu habitable malgré des moyens très rudimentaires.

On y voit là une précarité d’une construction certes, mais aussi une ingéniosité et créativité de l’humanité.  

Claire Bresson